Yannick Noah, ancien capitaine de l’équipe de France de la Coupe Davis, a été accueilli par Antoine Benneteau sur le podcast de "Exchange" afin qu’il partage ses impressions sur sa vie et, et pourquoi pas, sur les représentants du drapeau tricolore lors du tournoi ATP.
"Je n´avais pas assez de talent", a déclaré Noah à propos de sa propre carrière. "La notion de talent est mal perçue. Le talent pour nous est la technique. Un gamin qui a une sorte de fluidité avec la main.
Nous commettons une grave erreur lorsque nous commençons à recruter des jeunes au regard de cette notion. J´avais un autre talent : j´étais fou. Je voulais vraiment être un très bon joueur de tennis.
Parmi les amis de ma génération, ceux avec qui on a fait des séries de revers ou de coups droit le long de la ligne, je ne gagnais pas. Par contre, au service, j´étais bon. Pourquoi? Parce qu’on peut s’entraîner seul.
Physiquement, je m´entraînais seul aussi. En fait, j´étais bon au travail. Quand on fait le point après 20, 30, 40 ou 50 ans de tennis français, ce qu’il en ressort souvent c’est que les joueurs sont techniquement bons, mais pas assez forts mentalement.
Ce n´est pas parce qu´ils ne l´ont pas naturellement. Certains peuvent l´avoir, mais il faut aussi y travailler. Mais on ne le fait pas". Lorsque Benneteau a fait remarqué que le tennis français semblait revenir vers Noah [pour le consulter] lorsqu´il était en difficulté, l´ancien capitaine de la Coupe Davis a hésité : "Ouais, en difficulté ou pas.
Il y a des moments où les étoiles sont alignées, les univers se rassemblent et nous pouvons avancer ensemble. J´aime transmettre, je suis arrivé à l´âge où j´aime partager, je suis un grand-père".
Après avoir réfléchi quelquefois sur sa relation avec les joueurs de la Coupe Davis qu’il a dirigé, le nom de Gael Monfils jaillit des pensées de Noah : "Le plus compliqué était de loin Gael Monfils.
Avec les autres, ce n´était pas compliqué, nous avons fait le travail. En tant que capitaine, mon rôle était de les motiver, de réussir à les améliorer. Lorsque nous avons perdu, ce n´était pas leur faute, et lorsque nous avons gagné, ce n´était pas grâce à moi, nous étions ensemble dans cette situation.
Mais avec Gael, c´était une énorme déception. En trois ans, il a joué un seul match auquel il ne voulait même pas jouer". Le champion de Roland-Garros en 1983 a évoqué le manque de Français titrés en Grand Chelem : "Tout dépend du but.
Les joueurs qui ne veulent plus, cela signifie que leur objectif n´était pas très élevé. Je suis le dernier gars qui ait remporté un Grand Chelem. Ce n´est pas possible. C´est trop long.
Et avant moi, c´était Marcel Bernard (1946). J´ai l'habitude de dire que pour moi, c´était presque un accident. Donc, il y a toujours un problème énorme. Comment se fait-il qu´avec nos structures et nos moyens, nous ne puissions pas le faire? La réponse est que nous devons réformer notre façon de travailler, notre approche du sport.
Et cela concerne tout le monde". Quand on lui a rappelé que Jo-Wilfried Tsonga - maintenant âgé de 34 ans - avait exprimé à l´âge de 22 ans sa détermination à gagner un Grand Chelem, Noah a expliqué : "Pour commencer, quand vous êtes 30e mondial, vous ne dites jamais ça.
Vous avez 29 gars devant vous, dont quatre ou cinq sont bien au-dessus de vous. Parce qu´en réalité, tout le monde veut gagner le Grand Chelem! La vraie motivation est : Roland Garros arrive, que fais-tu depuis un mois? Quel est ton projet? Êtes-vous entrain d’attaquer votre sixième heure d´entraînement? Si oui, il est bon de dire que vous voulez gagner.
C´est un [joli] titre sur les réseaux, mais qu’est-ce que ça rapporte vraiment? Qui ira se préocuper de la façon dont nous travaillons la tête, qui trouvera les bonnes personnes pour cela? Pensez-vous que Federer s´entraîne uniquement en jouant au tennis? Vous ne trouvez pas que lorsqu'il retourne sur le court, il est un peu plus en place dans sa tête? Pensez-vous que cela est venu naturellement? Rafa [Nadal] qui semble n'avoir rien à faire [mentalement], vous pensez qu´il ne fait rien d´autre que frapper des balles? Et bien pour nous, c’est toujours ‘non, nous le ferons plus tard’ ... "